Les suites logiques d’une réforme aveugle
Certaines réformes sont comme des bombes à retardement, on s’aperçoit de leurs effets nocifs quelques années plus tard. C’est assurément le cas de la « réforme » menée à l’échelle de la fonction publique de l’Etat, plus connue sous le sigle « DVD ». Celle-ci visait au moment de sa mise en œuvre, en 2004/2005, à alléger le train de fonctionnement de l’Etat, en réduisant sensiblement la masse salariale servie dans la fonction publique. Concrètement, la « réforme » s’est traduite par une grande opération d’incitation au départ, ouverte, sans véritable limitation ni précaution, devant le personnel de l’administration publique, conduisant ainsi au départ d’un nombre important de hauts fonctionnaires des ministères (le nombre de fonctionnaires « hors échelle » partants s’élève à 9180 pour une population de 37.000 fonctionnaires classés dans cette catégorie, soit 25% à peu près). Ces mêmes ministères, nous apprend la Cour des comptes dans son récent rapport (2016), exposé devant le Parlement en juillet 2017, font face aujourd’hui à des difficultés énormes pour consommer les crédits importants inscrits dans leurs budgets ou, plus précisément dans les nombreux Comptes Spéciaux du Trésor (CST), dont ils assurent la gestion. C’est ce qui explique que ces comptes, au nombre de 74, dégagent « de manière structurelle des soldes importants qui ont atteint à fin 2016, un solde cumulé reportable de plus de 122,7 Milliards DH ». Parmi ces comptes, une bonne partie ont une vocation sociale, et « disposent de soldes élevés sans qu’ils soient utilisés, alors qu’en même temps, des besoins impérieux et urgents affrontent des contraintes de financement ». Difficile de ne pas voir dans cette situation paradoxale un des effets majeurs de la « réforme » dite DVD qui a amputé notre chère administration de sa strate supérieure des ressource humaines, réduisant ainsi la capacité exécutive des structures ministérielles, notamment celles opérant dans le domaine social. Certes, on peut objecter que la capacité d’exécution insuffisante de l’administration marocaine est un phénomène préexistant à la réforme en question. Mais, néanmoins, la « réforme DVD » présente l’inconvénient majeur d’avoir eu pour résultat d’affaiblir durablement l’administration publique, en contre partie de « quelques poignés de dirhams de plus ».
OMAP, août 2017